Ligeti Tour

Comment faites-vous attention à ce que le fonctionnement de l'œuvre dévie du processus de composition dans lequel vous vous êtes engagé? C'est exactement ce que je fais. La musique est un processus, et la composition consiste à regarder et à observer comment la musique elle-même grandit et se rétrécit. Je laisse faire.

Avez-vous l'impression de doser la part de désordre ou, au contraire, de faire attention à penser vos formes en des termes surtout pas chaotiques? C'est un processus naturel que les choses se mettent en désordre. Je m'intéresse aux différentes façons dont les choses structurées deviennent chaotiques, tout simplement parce qu'il est impossible de trouver un ordre pour tout. Je ne commence pas par le chaos, c'est un résultat.

On vous interroge couramment sur votre rapport à la microtonalité. Avez-vous ressenti, en réponse, le risque de vous en éloigner ou, à défaut, de la maltraiter davantage? Il y a plus de douze hauteurs par octave. Les vieux accords ne m'intéressent pas, j'essaie d'en trouver de nouveaux. Le mot « microtonalité » n'est pas très précis, car ma musique n'est pas tonale, et elle n'est pas micro. Je veux de plus en plus de hauteurs différentes, c'est donc peut-être une « macrotonalité », mais toujours sans tonalité.

Il y a une quinzaine d’années, vous disiez: «Je veux m'approprier les outils et savoir exactement ce que je veux en faire afin de produire une œuvre qui soit entièrement mienne.» Est-ce que vous êtes aussi sûr qu'à l'époque de vouloir que vos œuvres soient «entièrement vôtres»? Oui, je veux bien sûr écrire ma propre musique. Mais je ne veux pas écrire dans un « style » (cela signifierait que je suis mort et que je suis bon à être rangé dans un tiroir). J'essaie d'écrire des morceaux aussi différents que possible, mais en même temps aussi personnels que possible. Comme je ne peux pas changer ma personnalité, il y aura des éléments qui se retrouveront dans différentes pièces.

Propos recueillis par David Christofell